CHOLESTÉROL - Les autorités américaines ne jurent plus que par elles. Elles, ce sont les statines, des médicaments anti-cholestérol. Pour prévenir les maladies cardio-vasculaires, l'American College of Cardiology recommande dans un rapport publié en novembre 2013 d'élargir le spectre de patients sous statines. Le nombre de personnes concernées passeraient ainsi de 25 à 56 millions. Depuis, certains spécialistes américains tirent la sonnette d'alarme. Même l'Union Européenne s'inquiète de cet extrémisme outreatlantique.
Très vogue depuis 15 ans, les statines bloquent la synthèse du cholestérol par le foie. En France, environ 6 millions de personnes en prennent quotidiennement. Les statines sont pourtant vivement critiquées par quelques spécialistes, le médiatique pneumologue Philippe Even, en tête.
De l'autre côté de l'Atlantique aussi, les critiques commencent à pleuvoir. Le 5 mai dernier, le New York Times s'alarmait, n'hésitant pas à qualifier les statines de "nouveau problème des femmes". Un article qui laisse parler l'inquiétude des spécialistes face à la banalisation de ces médicaments et au manque de recul des études réalisées sur les femmes.
Un traitement préventif inutile?
Selon le New York Times, bien trop d'Américaines en bonne santé prennent des statines. Ce qui inquiète vraiment les spécialistes ce sont particulièrement les patientes âgées d'une trentaine d'années et qui n'ont parfois un taux de cholestérol qu'un ou deux points au-dessus de la normale, mises malgré tout, sous traitement de statines à vie.
En France aussi les statines sont prescrites de manière préventive à certaines jeunes patientes jugées à risques (à cause d'un antécédent familial par exemple). Or comme l'explique le cardiologue français Michel de Lorgeril dans son livre coup de poing, "Cholestérol, mensonges et propagande", prendre des statines dans ce cas-là pour faire baisser un niveau de cholestérol un peu trop élevé ne serait pas justifié. Plusieurs études on montré que les statines faisaient effet lorsque les patients avaient déjà eu des accidents cardio-vasculaires... surtout s'il s'agissait d'hommes.
Très peu d'études sur les femmes
En effet, depuis 2003, un centre d'études du Massachusetts observe l'évolution de milliers de patients sous statines. Les chercheurs ont constaté que chez les femmes de plus de 60 ans, contrairement aux hommes de la même classe d'âge, on ne voyait pas de réduction significative du nombre de morts ni d'attaques cardiaques qu'avec un traitement placebo.
Difficile cependant pour les scientifiques de conclure que les statines sont nécessairement mauvaises ou inutiles pour les femmes. Le problème est simple, à de rares exceptions, les études sur l'efficacité des statines sont réalisées sur un panel de patients majoritairement masculins comme le rappelle la revue Prescrire.
Des risques de diabète chez les femmes ménopausées
Parmi ces rares études, celle publiée en 2013 dans la revue Archives of Internal Medicine, selon laquelle les statines augmentent de 71% le risque de diabète chez les femmes post-ménopausées a fait beaucoup parler d'elle. Le diabète est l'une des causes majeures des maladies cardio-vasculaires. Les statines auraient donc un effet inverse de celui recherché. Ou bien y aurait-il quelque chose que les scientifiques auraient mal interprété?
Il est généralement admis que le cholestérol est lui aussi déterminant dans l'apparition d'accidents cardiovasculaires. Cela est depuis quelques années remis en question. Chez les femmes par exemple, "le cholestérol pourrait ne pas jouer le même rôle dans les maladies cardiaques que chez les hommes", avance la cardiologue Rita Redberg de l'Université de Californie au New York Times. "Vous pouvez avoir beaucoup de cholestérol tout en étant en très bonne santé et présenter peu de risques de déclarer une maladie cardiaque", poursuit-elle.
Ni trop, ni pas assez de cholestérol
Le rôle des statines est de baisser le niveau de cholestérol dans le sang. Or, des études ont aussi montré qu'un taux de cholestérol trop bas chez les femmes pouvait augmenter le risque de cancer du sein par exemple. La médecine est donc encore loin d'avoir parfaitement compris le rôle et le fonctionnement du cholestérol dans l'organisme.
En attendant, plus que le cholestérol, ce sont le tabagisme ou la pollution de l'air qui devraient inquiéter les femmes dans la prévention des maladies cardio-vasculaires.C'est prouvé, le tabagisme est en effet l'une des causes les plus importantes de mort cardiaque subite chez les femmes.